
Barbara Pompili a participé hier à l'audition, par la commission des affaires culturelles, d'Agnès Saal, Présidente directrice générale de l'institut national de l'audiovisuel (INA). Elle a notamment affirmé l'attachement des écologistes à la gratuité d'accès au patrimoine culturel français et mis en garde contre une approche trop industrielle de la culture.
Madame,
Ces moments d’échanges sont importants et je tiens en premier lieu à vous remercier pour votre présence et votre présentation.
Comme vous le savez certainement, les écologistes ont salué la réévaluation des crédits alloués à l’INA dans le PLF 2015. Cette augmentation de ressources témoigne du sérieux du travail réalisé par l’Institut. La conservation des archives et le plan de sauvegarde et de numérisation contribuent à notre enrichissement culturel et à notre mémoire collective dont la préservation est essentielle, nous en sommes tous ici convaincus. Mais je souhaite ici surtout réagir à certaines orientations que vous avez mises en avant et qui appellent des précisions.
Tout d’abord, concernant l’accès aux sources numérisées et aux archives globales de l’INA.
Vous le savez, les écologistes sont opposés à l’idée qu’un bien culturel puisse être payé plusieurs fois par le contribuable.
En d’autres termes, les émissions financées entre autre par la redevance doivent pouvoir être mises à disposition gratuitement et sans limitation dans le temps.
Dernièrement, lors de l’audition de votre prédécesseur Matthieu Gallet, j’ai eu l’occasion de réaffirmer cet impératif de gratuité dans l’accès aux podcast puisque les émissions de Radio France bénéficient de financements publics. Le même raisonnement et donc la même exigence valent pour l’INA. Pourriez-vous m’indiquer l’état de vos réflexions à ce sujet d’autant que les recettes tirées de cette conception de la valorisation du patrimoine sont en fait très faibles et qu’il pourrait être plus pertinent d’utiliser cette gratuité pour contribuer à la notoriété de l’INA, et par là-même à celle de ce patrimoine culturel.
Sur la question de la mise en place de la plateforme pluridisciplinaire dont vous parliez, j’ai là aussi plusieurs questions.
Tout d’abord, je soutiens – vous vous en doutez – cette volonté de mettre en place une plateforme publique de l’audiovisuel. Cela ne peut être que source de richesse culturelle.
Si nous soutenons cette approche, vous comprendrez que là aussi l’enjeu de l’accès libre aux contenus est central.Et l’autre grande question est celle des fonds concernés.
L’INA aurait selon nous toute la légitimité de son expertise, et de ses réussites passées, pour être l’opérateur privilégié d’une telle plateforme publique de la Culture.
Vous avez évoqué – notamment dans la presse mais aussi ici ce matin– que cela pourrait concerner de nombreux acteurs : la Comédie française, la Cinémathèque, les théâtres nationaux ou encore les opéras régionaux…
Cela pourrait aussi concerner les universités et les centres de recherche qui ont des fonds audiovisuels. Y a-t-il eu déjà des prises de contact un peu avancées sur ce sujet?
Et, vous le savez, nous appelons de nos vœux un travail de fond pour que nos musées s’associent enfin, et offrent un accès facile à l’ensemble des œuvres du patrimoine public français.
Madame la présidente directrice générale, pouvez-vous nous dire si vous envisagez un tel projet, et si les partenaires institutionnels tels que le ministère de la culture et de la communication, et les directeurs des musées de France ou des universités et centres de recherche ont déjà réagi à vos propositions ?
Et sur la question de l’élargissement du champ de cette plateforme au secteur marchand, je souhaite attirer votre attention sur trois points :
Tout d’abord, le risque que cette élargissement du champ des activités de l’INA aux acteurs privés, y compris à l’étranger, puisse être perçu – notamment par la Commission européenne - comme de la concurrence déloyale parce que soutenue financièrement par l’Etat. J’imagine bien entendu que cet aspect des choses a été étudié par l’Ina. Pourriez-vous nous préciser ce point ?
Et sur le fond du projet : nous sommes tout à fait d’accord sur le fait que ce n’est pas à un acteur privé de devenir le portail principal de nos institutions culturelles. Nous partageons totalement votre analyse lorsque vous déclarez au Figaro : « L'INA ne peut pas laisser à Google le soin de démarcher ces acteurs de la culture pour leur proposer de numériser gratuitement les fonds, comme il l'a déjà fait avec la Bibliothèque de Lyon et la Bnf. » Nous pensons aux nombreuses difficultés que présentent les numérisations d’œuvres au travers du Google Art Project.
Nous considérons donc que l'idée de prendre en charge des contenus audiovisuels qui existent déjà, d'assurer leur préservation et de faire en sorte qu'ils puissent vivre en étant accessibles au plus grand nombre est louable. Mais, là encore : quelle plus-value peut-on attendre pour les internautes de cette ouverture aux acteurs privés ? Je repose donc la question de l’accès gratuit à ces fonds privés ?
Et, il faut aussi être vigilant pour que cet élargissement du champ de compétence et d’activité au secteur marchand, pour que la diversification des partenaires privés et des ressources ne conduisent pas à une approche industrielle de la culture qui serait éloignée des missions de l’INA.
Je vous remercie.
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