
La commission des Affaires culturelles et de l'éducation auditionnait hier Najat Vallaud-Belkacem, Ministre de l'Éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. L'occasion d'affirmer, après les évènements du 7 janvier dernier, la place centrale que doit jouer l'école dans la lutte contre les inégalités et dans la construction du vivre ensemble.
Monsieur le Président, Madame la Ministre,
On demande beaucoup à l’école. On lui demande beaucoup et toujours plus. Mais il est vrai qu’au regard de ce qui s’est passé il y a maintenant trois semaines, au regard des profils des personnes qui tombent dans la folie djihadiste, on ne peut que constater que l’échec scolaire fait partie des nombreux facteurs qui ont pu les entrainer dans cette dérive.
Et force est de constater que l’école aujourd’hui reproduit les inégalités les accentue. Aujourd’hui encore, un enfant d’ouvrier non qualifié a deux fois moins de chances de décrocher un baccalauréat qu’un enfant de cadre. Le CNESCO (Conseil national d’évaluation du système scolaire) dans sa note publiée le jour même de vos annonces pointe clairement les problèmes de mixité. Sa description des mécanismes à l’œuvre à travers les écoles ghettos ne peut rester sans réponse.
Cette réalité, c’est-à-dire ces inégalités qui mènent à l’exclusion de notre société et donc au rejet de notre idéal républicain et notamment de la laïcité qui entraine aussi le problème d’égalité femme – homme, c’est justement ce qu’il faut combattre pour que notre système scolaire redevienne une promesse pour tous les jeunes.
C’est pourquoi je suis intimement convaincue que la transmission des valeurs républicaines – axe fort de la Grande mobilisation - ne pourra être effective que si elle est accompagnée d’une réelle lutte contre les inégalités. C’est la clé d’une grande partie des défis à relever et je suis heureuse d’avoir entendu vos paroles à ce sujet.
Je soutiens donc pleinement, évidemment l’augmentation des fonds sociaux que vous avez annoncée ainsi que votre décision de vous attaquer à la sectorisation des collèges.
Lors des débats sur la refondation de l’école j’avais plaidé pour une remise à plat de la carte scolaire et indiqué que cette réflexion nécessite d’être accompagnée financièrement en ciblant plus et mieux les établissements en sortant de la stigmatisation des labels. Des systèmes intéressants existent d’ailleurs à l’étranger et s’en inspirer permet de sortir de la concurrence entre établissements. Ironie de calendrier encore, L’Etudiant publiait le jour même de vos annonces un nouveau comparateur des collèges. Vous avez parlé de cet accompagnement financier et cela me semble une bonne chose.
Par delà ces questions, nous considérons que la lutte contre les inégalités exige un changement d’approche profond de notre école.
Sans revenir sur l’ensemble des points développés lors des débats sur la refondation de l’école, je veux insister sur le vivre ensemble à l’école, point crucial, y compris pour respect mutuel et le civisme.
Le sentiment d’appartenance à une même communauté nationale ne se décrète pas, ne s’impose pas d’en haut. L’enfant, l’adolescent doit le ressentir profondément. Sentir qu’il a sa place dans un collectif. Et cela évidemment nécessite dialogue et coopération à tous les niveaux et appelle une autre conception de notre éducation et c’est vrai qu’au-delà des réforme que vous annoncez aujourd’hui il est bien de rappeler que le travail sur ce sujet est entamé depuis deux ans. Il est entamé et c’est cette réflexion qui a mené nos débats lors de la loi sur la réformation de l’école. Car c’est bien un changement de paradigme, y compris pédagogique, qui est nécessaire.
C’est pourquoi nous plaidons pour des mesures qui vont dans ce sens et qui réduiront l’échec scolaire :
- moins d’élèves par classe, et moins de classes par établissement,
- plus de projets collectifs,
- une évaluation non stigmatisante,
- des élèves acteurs de leur parcours, au cœur du système éducatif.
- une école ouverte sur l’extérieure et intégrée à son milieu
C’est aussi et j’insiste beaucoup sur le sujet plus d’innovations pédagogiques et plus d’expérimentations, pour favoriser des projets d’établissements adaptés aux particularités de chaque situation. Aujourd’hui, je constate et je pense que nous constatons tous sur le terrain qu’il y a encore beaucoup trop de freins à ces expérimentations.
C’est en associant l’ensemble des acteurs que nous avancerons vers l’Education partagée qui peut être vue comme une réponse globale à cette crise, comme un moyen pour l’école républicaine de ne plus exclure personne.
Cela se traduit pour le moment notamment par une plus grande association des parents d’élèves. J’insiste également sur ce point : le travail à faire est très important là où cette expérience est menée. Parce qu’il y a des établissements pilotes sur le sujet, on a pu en voir avec justement la mission sur la relation parents – école avec V. Corre et M. Bretton. Cette expérience qui a été menée montre, et les résultats le montrent, que bien au-delà du lien avec l’école, une fois que le lien est renoué entre les parents et l’école, au delà, on a tout simplement un lien avec la République qui est renoué, C’est vraiment très important.
Il faut aussi évidemment plus de liens avec l’éducation populaire et le renforcement des liens avec le tissu associatif ne doit pas se limiter aux travaux d’intérêt général ou à la mobilisation de bénévoles retraités même s’ils sont, évidemment, les bienvenus.
Les Projet éducatifs de territoire (PEDT) que vous avez mentionnés tout à l’heure peuvent servir à élargir et à renforcer ces liens. Un gros travail doit être mené en ce sens parce qu’on a vu, encore une fois sur le terrain, que là où ça se passe bien nous ramenons des enfants vers l’école.
De façon globale, j’espère que les Assises de l’école républicaine permettront d’aller encore plus loin pour que l’Acte 2 de la Refondation modifie notre conception de l’éducation de sorte que plus aucun élève ne soit abandonné sur le bord du chemin. Les valeurs de la République ne prendront corps dans notre système scolaire que si l’école devient réellement inclusive pour toutes et tous.
Et vous vous en doutez, nous soutenons pleinement la création du parcours citoyen que nous étions d’ailleurs les seuls à demander lors des débats sur la Refondation de l’école. C’est par le biais d’un tel parcours que l’éducation morale et civique pourra réellement contribuer à l’engagement citoyen et au développement du jugement critique qui sont au cœur des missions de l’école.
Enfin, l’accent que vous avez mis sur la formation est aussi une très bonne chose car la formation initiale et continue des professeurs fera évoluer notre système scolaire.
Je vous remercie.
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