Deuxième dividende numérique et modernisation de la TNT

Deuxième dividende numérique et modernisation de la TNT

Barbara Pompili est intervenue en séance publique, mercredi 30 septembre 2015, sur la proposition de loi relative au deuxième dividende numérique et à la modernisation de la TNT. Les avancées apportées par ce texte sont évidentes mais la députée souhaite s'assurer qu'elles ne se fassent pas au détriment des téléspectateurs, des collectivités territoriales ou de certaines chaînes comme France 3.

Le dossier législatif est à consulter ici et le compte-rendu de la séance est disponible ici 


 

Madame la Présidente, Madame la Ministre, Monsieur le Président de la commission, Chers collègues,

Accompagner le changement. Anticiper. Tels devraient toujours être les principes guidant les décisions politiques, et ce quel que soit le domaine concerné.

Nos choix économiques, bien sûr, avec par exemple la nécessité d’opérer au plus vite la transition écologique de notre économie. Et là, à quelques semaines de la COP 21, il y aurait beaucoup à dire et surtout à faire.

Mais, revenons-en à ce texte de loi : ce que je souhaite tout d’abord souligner c’est qu’il s’inscrit dans cette exigence de raisonnement par anticipation et d’accompagnement du changement.

Cette proposition de loi doit en effet permettre de répondre à des évolutions en cours, et qui vont se poursuivre, en ce qui concerne les modes de diffusion et de consommation des vidéos. 

Aujourd’hui, le taux de croissance annuel du trafic mobile est de plus de 60% par an. On constate une véritable explosion des données échangées avec l’arrivée de l’internet mobile, l’essor des tablettes ou encore des smartphones. Les frontières entre ce qui est lu, écrit et écouté sont de plus en plus ténues, et on assiste à une révolution des modes de diffusion et de consommations des vidéos.

C’est aussi une révolution dans le mode d’accès à l’information avec l’essor des pure-players, les succès de Dailymotion, Youtube, ou iTunes, ou encore l’arrivée de Netflix. Cette augmentation du trafic mobile n’est pas prête de s’arrêter.

D’où la volonté de cette proposition de loi de prendre en compte cette évolution en libérant des basses fréquences utilisées par la TNT pour répondre aux besoins des opérateurs de télécommunication.

Concernant la TNT, ce texte illustre aussi cette même logique d’accompagnement des changements en cours, tout en anticipant sur les évolutions de demain.

Pour libérer les fréquences de la bande 700, ce texte propose en effet une nouvelle norme de compression vidéo, via le passage au MPEG-4, qui permet une modernisation de la diffusion audiovisuelle.

Cela signifie très concrètement que la qualité des images de la TNT va être améliorée via la généralisation de la haute définition. Et ce texte va même plus loin dans la modernisation de la plateforme hertzienne en donnant un cadre permettant dexpérimenter la ultra haute définition.

Toutefois, ces évolutions – aussi nécessaires sont elles – ne doivent pas se faire n’importe comment. Et, lors des débats, différents points de vigilance ont été soulignés.

Je pense notamment aux conséquences sur la reconfiguration du secteur de la téléphonie, ou à la bonne prise en compte des impératifs d’aménagement numérique du territoire – des garanties ont d’ailleurs été données sur ce point, et c’est très bien. Concernant les évolutions relatives à la TNT, là aussi des craintes ont été exprimées lors des débats.

Tout d’abord, celle de l’« écran noir », notamment pour les personnes âgées, celles en situation de handicap ou encore celles et ceux en difficultés financières ou vivant dans des territoires enclavés. Fort heureusement, les différents dispositifs d’aide prévus devraient permettre que cette évolution n’impacte aucun foyer dans la réception des chaînes de la TNT.

Se pose néanmoins toujours, comme l’a souligné ma collègue sénatrice Corinne Bouchoux, la question de l’obsolescence programmée du matériel actuel de réception. Aujourd’hui, à quelques semaines de la COP 21,  alors que l’on sait que le renouvellement accéléré des biens contribue à la surexploitation des ressources non renouvelables qui alimente une impasse écologique, sociale et économique. On doit toujours – et même plus qu’avant - se poser cette question de la durabilité de nos choix d’équipement.

Faudra-t-il encore changer écrans et boitiers dans quelques années, dans l’éventualité probable d’un passage à la ultra haute définition ?

Autres inquiétudes exprimées qui doivent être prises en compte : la perte d’audience et la question des coûts pour les diffuseurs et les chaînes. Comme je l’ai évoqué en juin dernier, cette évolution doit générer une baisse des coûts de diffusion, mais des cas particuliers peuvent apparaître.

Je pense par exemple à France 3 et au coût du remplacement des encodeurs pour les décrochages locaux et régionaux, décrochages auxquels, vous le savez, les écologistes sont très attachés. Alors que la situation financière de France Télévisions est on ne peut plus délicate, l’impact financier de cette évolution mérite toute notre attention.

Je pense aussi à l’impact financier pour les collectivités territoriales qui organisent elles-mêmes une rediffusion locale dans les zones géographiques non couvertes par les opérateurs de multiplex.

Enfin, vous le savez, avec mes collègues écologistes, nous regrettons que les recettes attendues de la vente des fréquences viennent alimenter le budget de la défense.

Alors que la création manque de moyens, alors que le budget de la culture pourrait être renforcé – je pense notamment au secteur du spectacle vivant - l’affectation de ces milliards au budget de la défense est plus que regrettable.

C’est là un choix qui ne fait pas sens pour nous, d’autant plus que notre Assemblée débat ces jours-ci du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine dont l’article 2 décrit avec ambition la politique du service public en faveur de la création artistiqueMais, malheureusement, aucun moyen supplémentaire n’a à ce jour été prévu pour accompagner ces ambitions.

Et c’est aussi une occasion manquée pour initier une réflexion globale sur le soutien à la création audiovisuelle et cinématographique. Compte tenu de l’évolution des modes de consommation et de l’utilisation des fréquences par les opérateurs de téléphonie pour diffuser sons et vidéos, ce texte aurait pu être l’occasion de faire évoluer le modèle existant du financement de la création en l’élargissant à d’autres acteurs - comme les opérateurs de téléphonie qui sont aujourd’hui tout autant concernés que les chaînes de télévision qui soutiennent la création.

Toujours est-il que, par-delà ces différentes remarques, ce texte répond à des évolutions en cours dans l’usage et l’essor du très haut débit mobile, il anticipe sur les besoins à venir tout en permettant une modernisation de la TNT et une meilleure qualité des images pour les téléspectateurs.

C’est pourquoi, tout en réaffirmant toutes les remarques que nous avons pu faire notamment l’affectation des sommes attendues de la vente des fréquences à la défense - et non à la culture - le groupe écologiste votera ce texte.

Je vous remercie

Equipe de Barbara Pompili

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