
Le 22 novembre , j'étais la marraine et intervenais au colloque de l’association HOP (Halte à l'Obsolescence Programmée) sur "la durabilité des produits : un enjeu stratégique pour les entreprises".
La transition vers une économie durable ne se décrète pas, elle se construit. Nous devons prendre conscience des effets de notre mode de vie sur la planète, sortir de la course aux produits moins chers, renforcer la durabilité des produits et stimuler l’écoconception.
Aujourd'hui, l’engagement des entreprises pour la durabilité des produits est un modèle gagnant. Certaines l’ont bien compris. Le pouvoir politique a également son rôle à jouer afin de fixer les règles pour que l’économie soit davantage orientée vers l’intérêt général.
Enfin, nous devons tous nous engager en changeant nos habitudes au quotidien : réfléchir à nos comportements face à la mode, diminuer nos quantités de déchets, penser plus systématiquement à réparer les produits etc.
J'étais très heureuse d'ouvrir cette matinée riche en échanges, grâce à de nombreux intervenants venant d'horizons différents : universitaires, entrepreneurs, grandes entreprises, associations...
Merci à HOP pour l'organisation de ce bel événement !
Pour voir le site de l'association HOP, c'est ici !
L'association HOP vient par ailleurs de lancer avec des entreprises le Club de la durabilité. Pour plus d'informations, cliquer ici : https://www.clubdeladurabilite.fr/
Retrouvez ici mon discours d'ouverture :
Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureuse d’ouvrir ce colloque et je remercie chaleureusement Laetitia Vasseure et Samuel Sauvage de m’avoir invitée.
Votre association Halte à l’obsolescence programmée attaque avec beaucoup de fraîcheur les vices de notre société de consommation. Je suis avec intérêt vos plaintes déposées contre un géant de l’industrie téléphonique, et contre les leaders du marché de l’imprimante. C’est un peu David contre Goliath, mais nous sommes habitués à ça en tant qu’écologistes ! C’est comme ça que l’on fait bouger les lignes, le plus souvent.
Je remercie aussi les nombreux intervenants qui viennent témoigner de leurs expériences… Je me réjouis qu’on aborde le sujet de la durabilité des produits avec les entreprises, dont de nombreux représentants sont là, vous êtes les premiers concernés.
Enfin, je remercie aussi les spécialistes et chercheurs dont les analyses nous seront précieuses pour faire avancer le débat… et pour faire changer les choses !
Parce que, malheureusement, le débat est encore parasité par de nombreuses idées reçues, sur les conséquences que cela aurait sur la santé économique des entreprises, et donc sur l’emploi.
Dans la tête de beaucoup, des produits plus durables ça veut dire : moins de ventes, donc moins de production, donc moins de recettes, etc, etc… Non ! Je suis confiante sur le fait que les interventions d’aujourd’hui vont nous rassurer sur ce point.
La question du manque de durabilité des produits, c’est la partie visible de problèmes plus structurels.
- Certains diront que c’est à cause d’une dérive de notre économie de marché,
- D’autres parleront de court-termisme politique,
- D’autres encore mettrons ça sur le compte des normes sociales de confort qui amènent chacun à consommer plus...
Alors il y a des idéalistes qui voudraient tout changer d’un coup de baguette magique. C’est beau… c’est aussi oublier tous les salariés qui se trouveraient au chômage du jour au lendemain.
La transition vers une économie durable, ça ne se décrète pas, ça se construit, étape par étape.
Aujourd’hui, le problème de la consommation, c’est qu’il y a une course au produit le moins cher. Le prix devient le critère numéro 1 parce que le consommateur n’a pas les moyens de savoir ce qui va vraiment durer. Qui de nous ne s’est pas dit : « ouais… de toute façon, ça ne va pas durer plus d’un an… alors autant acheter le moins cher ? »
À la fin, tout en tirant toujours plus sur les ressources, ça produit d’énormes quantités de déchets !
Il y a un moment où il faut prendre conscience des effets de notre mode de vie sur la planète !
- On pille les ressources naturelles,
- On détruit les écosystèmes,
- On produit des montagnes d’objets en plastique qu’on jette au bout de 2 ans, et qui polluent nos sols et nos océans…
Oui, ce n’est pas sans effets sur la Terre.
Désormais, chaque année on parle du « jour de dépassement », c’est-à-dire du jour à partir duquel on vit à crédit des ressources naturelles. On y pense, un peu, et puis on oublie. On revient à notre train-train, en se disant que tout ça nous dépasse…
La conscience écologique, c’est plus que l’amour des petits oiseaux.
C’est comprendre que tout est lié. Que prendre soin de notre environnement, c’est un combat social.
Moi je suis convaincue qu’on peut agir, et vite. C’est le cœur de mon engagement politique… Le climat s’emballe, les espèces disparaissent, ce n’est pas le moment de baisser les bras !
Travailler sur la durabilité des produits c’est une façon intelligente et constructive de faire changer les choses, et en premier lieu, certains business models.
Si l’on oblige à marquer la durée de vie des machines à laver par exemple. On va déjà arrêter d’acheter celles qui ne fonctionnent que quelques années. Mais surtout, ça va inciter les constructeurs à faire des machines à laver plus solides. Et ainsi, par l’étiquetage, on est capable de faire changer la stratégie des entreprises. C’est un levier puissant, on doit absolument s’en saisir.
Lutter pour la durabilité des produits, c’est un défi commun. Les entreprises sont en première ligne parce que c’est souvent leur modèle économique même qui est remis en question. Il y en a qui disent : on ne peut rien faire, c’est la crise…
Mais vous savez, en chinois, le mot « crise », c’est l’association de deux idéogrammes : « danger », et « opportunité ». Dans notre transition vers des produits plus durables, il faut que les entreprises y voient une opportunité.
C’est d’ailleurs ce que certaines entreprises ont déjà saisi, et je les en félicite parce qu’il en faut du courage pour changer de braquet
Au bout du compte, c’est quand même bien plus satisfaisant, et pour l’intérêt général ça fait toute la différence.
Alors bien sûr, il reste du chemin à parcourir, avant que toutes les entreprises ne changent. Aujourd’hui le tout jetable reste encore trop souvent la norme.
Mais ça commence à bouger. Ce qui est sûr, c’est que les consommateurs sont plus sensibles à la question de l’obsolescence programmée.
Vous avez tous fait l’expérience comme moi d’avoir un téléphone qui devient inutilisable au bout d’un an… ou l’imprimante qui vous indique qu’il faut changer les cartouches alors que vous n’avez presque rien imprimé… il y a tant d’exemples ! Et chaque filière a sa stratégie:
- Accélérer la mode pour les vêtements,
- Mettre des fragilités pour l’électroménager,
- Jouer sur la compatibilité informatique pour les produits high-tech…
L’obsolescence programmée, c’est une logique dévastatrice qu’on ne peut plus accepter ! Lors de la précédente législature, j’ai d’ailleurs voté la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte qui en a fait un délit : 2 ans de prison et une amende jusqu’à 300 000€.
Il est donc grand temps d’agir !
Il faut revenir à des produits qui soient réparables ! En France, moins de la moitié des appareils électroménagers qui tombent en panne sont réparés. D’ailleurs les ateliers de réparation des grandes enseignes ont presque tous fermé.
à La loi Hamon en 2012 a obligé à informer le consommateur du temps pendant lequel sont disponibles les pièces détachées.
à En 2020, la feuille de route pour une économie circulaire, qui va donner lieu à une loi, prévoit l’obligation d’une information claire sur la réparabilité des produits électroménagers et des outils de bricolage.
On doit continuer dans ce sens et faire en sorte, qu’à la fin, tous les produits soient réparables.
Pour ça, il faut aussi aider le secteur de la réparation, qui fait face à une concurrence déloyale, celle qui consiste à vendre des objets neufs peu respectueux des travailleurs et des ressources, le tout moins cher que le service de réparation.
Il y a beaucoup de structures d’économie sociale et solidaire qui s’engagent dans le secteur de la réparation. Je pense notamment à Envie, qui a un établissement à Amiens qui fait un très bon travail. C’est souvent fait avec d’excellents modèles économiques, qui intègrent justement les personnes que le « monde de la performance » a tendance à rejeter. Nous devons les soutenir !
Ensuite, c’est bien de réparer, mais quand on s’y prend en amont, c’est encore mieux !
L’éco-conception doit devenir le fondement de la conception industrielle.
à C’est aussi ce que prône la feuille de route pour une économie circulaire ! Elle prévoit des bonus-malus sur l’éco-contribution pouvant excéder 10% du prix de vente hors taxes des produits. On espère ainsi stimuler l’écoconception et inciter à utiliser plus de matière recyclée.
Voilà pour les entreprises. Mais ce n’est pas fini. Ça arrangerait beaucoup de monde de faire tout porter aux entreprises. Mais les consommateurs, aussi, ont leur rôle à jouer.
Pour que les habitudes changent, il faut sensibiliser, faire prendre conscience à tout le monde que le meilleur déchet, c’est celui qu’on ne produit pas !
à C’est ce que nous faisons dans le budget cette année avec la Taxe d’enlèvement des ordures ménagères incitatives. C’est un dispositif qui permet de faire payer les ménages en fonction de la quantité de déchets qu’il produit. Aujourd’hui ça n’existe que dans quelques communes. Là, nous avons donné la possibilité financière de généraliser ce système partout en France !
Enfin, et je terminerai par là, il faut bien voir que nous allons vers une économie du partage, qui est vertueuse. Une économie où l’on privilégie l’usage à la propriété.
Prenez l’exemple des voitures. Il y a toute une partie des propriétaires automobiles qui gagneraient fortement à vendre leur voiture et à utiliser des services d’auto-partage. Au lieu d’avoir à financer la voiture, l’assurance, le stationnement, de l’emmener au garage pour les révisions… c’est possible de payer seulement en fonction de son usage. Et c’est très bien, parce que c’est aussi un verrou psychologique qui saute. Quand on n’a plus de voiture, on découvre qu’on peut se déplacer autrement ! Avec ses pieds… en vélo… en train…
Nous avons donc tous un rôle à jouer pour transformer notre économie vers un modèle durable.
- À nous, décideurs politiques, de fixer les règles pour que l’économie soit davantage orientée vers l’intérêt général.
- A vous, dirigeants d’entreprises, de transformer vos stratégies industrielles et commerciales vers un modèle durable.
- A vous, militants associatifs, d’informer les politiques, de sensibiliser les citoyens, et de mener des actions contre la pollution de certaines entreprises.
- A vous, scientifiques et chercheurs, de fournir au débat des arguments solides sur lesquels nous pourrons tous nous appuyer
Ensemble, nous pouvons construire une économie plus durable !
Je vous remercie, et que ce colloque vous inspire !
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