
Deux ans après les débats sur la Refondation de l’école qui a inscrit pour la première fois dans la loi le principe de l’école inclusive, Barbara Pompili a interrogé le comité de suivi de l'application de cette loi sur cet enjeu, en lien avec le rapport qu'elle a remis il y a quelques semaines à ce propos : comment améliorer les outils individualisation des parcours, quels moyens humains, comment faire évoluer la formation des enseignants, mieux ouvrir l'école sur l’extérieur et notamment aux parents, quelles pédagogies etc...
Pour regarder l’ensemble de l'audition, cliquer ici.
Intervention de Barbara Pompili :
Monsieur Durand,
Je vous remercie pour cette présentation très complète. Comme vous le savez, les écologistes ont particulièrement soutenu la Refondation de l’école ainsi que les mesures qui ont été prises depuis et qui prolongent avec cohérence l’état d’esprit de cette réforme. L’enjeu est bien à chaque fois de refaire de l’école une promesse pour tous.
L’École doit savoir s’adapter aux besoins de chaque élève, y compris lorsqu’ils ont des difficultés, que ces dernières soient temporaires ou non : enfants en situation de handicap, précoces, DYS, en difficultés familiale ou sociale, enfants allophones nouvellement arrivés en France, ou issus de familles itinérantes et voyageurs…
C’est pourquoi, deux ans après les débats sur la Refondation de l’école qui a inscrit pour la première fois dans la loi le principe de l’école inclusive… j’ai souhaité avant vous faire un bilan d’étape sur cet aspect essentiel qu’est l’école primaire inclusive. J’aimerais donc savoir quelles sont les analyses et recommandations du Comité de suivi à ce propos ?
Aujourd’hui, de nombreux outils existent pour mettre en œuvre cette école inclusive mais des améliorations doivent être menées, vous l’avez un peu évoqué.
Je pense au projet personnalisé de scolarisation PPS pour les élèves en situation de handicap, mais aussi aux deux autres outils créés par la loi sur la Refondation que sont : le plan d’accompagnement personnalisé PAP pour les élèves rencontrant des troubles d’apprentissages comme les DYS, et le programme personnalisé de réussite éducative PPRE pour celles et ceux qui n’ont pas de trouble ou de handicap spécifique mais qui connaissent de réelles difficultés scolaires. Ces instruments sont un premier pas vers une individualisation des parcours. Et on constate d’ailleurs que les accompagnements différenciés et les pratiques pédagogiques spécifiques qu’ils permettent sont bénéfiques pour l’ensemble des élèves. Aussi, les retours de terrain que vous avez pu avoir sur ces nouveaux outils pour l’inclusion créés par la loi m’intéressent tout particulièrement.
Bien entendu, cette question est indissociable de celle des moyens humains…Et j’aimerais connaître l’avis du comité de suivi sur le besoin de renforcer le nombre des AESH et des RASED qui sont des acteurs essentiels pour mettre en place l’école inclusive que nous souhaitons tous.
Concernant le mouvement actuel de décloisonnement entre milieux ordinaire/spécialisés/et dispositifs particuliers : avez-vous eu des retours d’expérience qui permettraient de faciliter encore le rapprochement entre ces dispositifs et la classe ordinaire, qui doit demeurer le lieu ayant vocation à scolariser tous les élèves ?
Enfin, quelques mots sur la formation des enseignants, en lien avec cet objectif de l’école inclusive. La loi sur la Refondation de l’école a eu la sagesse de restaurer cette formation, notamment en créant les Espé. Mais, comme vous l’indiquez vous-même, le nouveau modèle de formation « peine à trouver son équilibre sur le plan structurel et sur le plan pédagogique ».
Pour le moment, les ESPE ne sont pas encore à la hauteur, y compris sur la question de l’inclusion. La formation continue et initiale sur ces enjeux est insuffisante. Les pratiques de l’école inclusive sont intégrées au tronc commun et sont isolées du reste de la formation, sans transversalité. Or, l’école inclusive exige un changement d’état d’esprit qui passe nécessairement par la formation. Il est aujourd’hui nécessaire de modifier les maquettes des formations des ESPE. Et, de façon plus générale, il faudrait également je le dis depuis longtemps déplacer le concours en fin de licence, afin de libérer la première année de master du bachotage et ainsi déployer une formation professionnelle digne de ce nom… et remédier à la « cassure entre disciplinaire et pratique » que vous mentionnez. Cette demande de révision du continuum de formation fait sens de façon globale, et non évidemment seulement pour les enjeux de l’école inclusive.
Concernant l’ouverture des Espé à l’ensemble des acteurs de l’éducation : là aussi la marge de progression est grande. Les expertises extérieures sur les questions de l’inclusion ne dépassent pas 20 à 35 % des intervenants. De même, les formations communes aux enseignants et aux personnels des établissements médico-sociaux, des MDPH et des AESH sont embryonnaires. Pourtant, faire émerger une culture de travail en équipe où les équipes éducatives et médico-sociales mais aussi les associations et les parents auraient toute leur place est essentiel. Et, je partage bien sûr ici votre analyse : il faut mieux associer les parents … pour que la coéducation ne soit pas réduite à un simple principe… et que les parents ne demeurent pas – comme vous l’indiquez – les « fantômes de l’institution »
Enfin, sur le plan pédagogique, il me semble nécessaire de mieux diffuser les pratiques de pédagogie différenciée, permettant de trouver des méthodes d’enseignement adaptées à chacun face à l’hétérogénéité d’une classe… et ainsi de prévenir l’échec scolaire. L’innovation pédagogique devrait être mieux valorisée dans le parcours professionnel des enseignants et les évolutions de carrière.
Je vous remercie des précisions que vous voudrez bien apporter sur ces différents points et, pour conclure, je m’associe à votre souhait que la priorité accordée au primaire produise des effets concrets sur le terrain.
Commenter