
Barbara Pompili est intervenue au nom du groupe écologiste en séance publique, lundi 20 juillet, sur le projet de loi de ratification de l’ordonnance relative à l’accessibilité des établissements publics, des transports et de la voirie aux personnes en situation de handicap. Elle a rappelé combien il est urgent que l’accessibilité universelle devienne réalité. Pour aller à l’école ou à l’université, suivre une formation, faire du sport, se rendre dans un commerce ou à une exposition… il faut que les bâtiments mais aussi que les déplacements soient accessibles. Or, 40 ans après la première loi d’orientation en faveur des personnes handicapées, 10 ans après la loi du 11 février 2005 et 9 ans après la signature de la convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées, le constat est affligeant : seraient accessibles seuls 15 % des établissements recevant du public, moins de 6 écoles primaires sur 10, 40% des collèges, 20% seulement des lycées. Quant aux transports, maillon essentiel : si l’on regarde uniquement les bus, seules 42 % des lignes de bus seraient accessibles aux handicapés moteurs. De ce fait, une partie de la population est exclue de la vie sociale, politique et économique.
Cette situation honteuse est due essentiellement au manque de volontarisme individuel et collectif, repoussant toujours à plus tard les aménagements à mener. Pour y remédier, la concertation menée initialement avait abouti à la mise en place d'outils permettant de planifier dans le temps les travaux à réaliser et leur financement. Malheureusement, le projet de loi de ratification semble éloigné des grands principes issus de la concertation et sur lesquels le Parlement a voté l'année dernière. D'où les vives inquiétudes exprimées par Barbara Pompili face à un texte qui semble trop loin de l’objectif initial, qu'il s'agisse de la limitation de l’accessibilité des transports aux seuls points considérés comme « prioritaires » ; des délais supplémentaires pour le dépôt des Ad’AP et SDA, donnant l’impression de sans cesse remettre à plus tard cette accessibilité ; des dérogations sans justifications pour les copropriétés ; ou encore celles accordées de facto du fait de l’impossibilité pour l’administration de traiter dans le temps toutes les demandes, notamment pour les ERP de 5ème catégorie, soit près de 80% des établissements recevant du public.
Lors des débats en commission puis en séance publique, Barbara Pompili et Véronique Massonneau ont défendu de nombreux amendements qui auraient pu permettre d’aboutir à un texte plus acceptable. Mais ce n'est pas le choix qui a été retenu par le gouvernement. Aussi, compte tenu des différents reculs par rapport au texte de départ, Barbara Pompili n'a pas voté ce texte.
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Monsieur le Président, Madame la Ministre, Monsieur le Rapporteur, Chers collègues,
Indignation, déception, désarroi. Voilà les termes qui reviennent quand on interroge des personnes en situation de handicap ou les associations qui représentent leurs intérêts.
L’accessibilité universelle, nous en parlons tous régulièrement ici même. Lors des travaux en commission, lors des discussions dans cet hémicycle ou lors des réunions du groupe d’études sur l’intégration des personnes handicapées que je préside, nous n’avons de cesse d’indiquer combien nous devons bâtir une société réellement inclusive….
Mais lorsqu’il faut passer des paroles aux actes, c’est inlassablement toujours plus complexe. Est alors souvent invoqué le respect des grands équilibres issus des concertations engagées. Et c’est ainsi que les grands principes initialement affichés s’estompent peu à peu.
Il ne s’agit pas de nier les difficultés de certains petits commerces ou ERP de 5ème catégorie pour qui les travaux d’accessibilité représentent un coût pouvant être difficile à assumer. De même, il ne s’agit pas de nier les difficultés dans lesquelles se retrouvent de trop nombreuses petites communes, notamment en cette période de diminution des dotations budgétaires. L’ampleur des travaux à mener revient parfois à devoir renoncer à la mise en place d’un nouveau service public de proximité – comme une crèche par exemple.
Mais, sans minorer ces difficultés, peut-on encore continuer à tergiverser quand il s’agit de mettre un terme à l’exclusion d’une partie de notre population ?
Il en va de l’égalité dans l’accès à la vie sociale, économique, politique et culturelle. Il en va de l’égalité réelle entre les citoyens, principe absolu pour une démocratie soucieuse de l’intérêt général et d’un vivre-ensemble qui fait tant défaut aujourd’hui.
Peut-on encore décemment remettre à plus tard cette accessibilité universelle ? La réponse semble évidente : on ne peut continuer à repousser aux calendes grecques ou pire à remettre en cause le principe même de l’accessibilité universelle !
Comme je l’indiquais lors de la discussion générale du 6 juillet dernier : la situation actuelle est - tout simplement - honteuse. Seuls 15 % des établissements recevant du public seraient en effet accessibles, moins de 6 écoles primaires sur 10, 40% des collèges, 20% seulement des lycées, et les transports n’échappent pas à ce bilan catastrophique. La loi du 11 février 2005 prévoyait pourtant une mise en accessibilité pour 2015.
Ce mauvais bilan, on le doit au manque de volontarisme de chacune et chacun, repoussant toujours à plus tard cette exigence jugée trop complexe, trop lourde financièrement… Il aurait pourtant fallu se donner les moyens d’anticiper. Il aurait fallu programmer les travaux nécessaires. Il aurait fallu s’y mettre, tout simplement.
Pour dépasser cet écueil, un long travail de concertation vient d’être mené et a permis de décrire les chemins menant à cette accessibilité. Désormais, pour mettre en œuvre, enfin, concrètement, cette accessibilité des outils existent. Réponse à l’inadéquation entre les objectifs affichés lors de la loi de 2005 et les moyens déployés pour y aboutir, les Ad’AP, les PAVE ou les SDA doivent en effet servir de cadres juridique, calendaire et opérationnel et palier ainsi aux manques de de la loi de 2005. Ces outils doivent permettre de planifier dans le temps un système de financement des travaux à mener. Ils doivent décliner les grands principes en actions concrètes et financées.
Car le financement est, bien sûr, une pierre d’achoppement importante. J’ai évoqué les difficultés financières de certains commerces ou des petites communes. Et il faudra d’ailleurs s’assurer que les dispositifs d’accompagnement financiers prévus soient facilement mobilisables car l’argument financier ne doit plus conduire à retarder encore des travaux dont l’utilité, pour tous, est indéniable.
Mais, encore une fois, derrière les paroles et les promesses, derrière les nouveaux dispositifs mis en place et proposés la réalité est sombre : l’ordonnance proposée à la ratification est en-deçà des attentes. Elle est en-deçà des principes votés par le parlement l’année dernière. Elle est en-deçà des espoirs et des attentes des personnes en situation de handicap. Et au regard des dérogations, des délais et de certains renoncements, on comprend leur désarroi !
Ce désarroi d’ailleurs, il devrait tous nous concerner et résonner en nous. On a trop souvent le sentiment que ces problèmes d’accessibilité sont pour les autres.
Pourtant, l’accessibilité universelle nous concerne et nous concernera tous, de près ou de loin, un jour ou l’autre. Et elle concerne l’ensemble de notre société : les parents avec leurs poussettes vous l’avez dit Madame la Ministre, les personnes vieillissantes ou âgées qui ont des difficultés de mobilité, mais aussi celles et ceux qui ont temporairement besoin de marcher avec un fauteuil roulant ou des béquilles.
Et cette accessibilité universelle – je l’ai dit et je le redis - doit être une priorité. On le sait et on n’a de cesse de le regretter : le vivre-ensemble fait défaut à notre société. C’est là un sujet de préoccupation majeur et d’actualité. En témoignent les différentes actions annoncées et mises en place par le gouvernement depuis les dramatiques attentats de janvier. Service civique universel, mobilisation de l’école pour les valeurs de la République, réserve citoyenne, etc… Le volontarisme est ici bien réel.
Alors, pourquoi celui-ci ne s’applique-t-il pas aux personnes en situation de handicap ? Comment continuer à placer le vivre-ensemble comme priorité et délaisser, dans le même temps, une partie de nos concitoyens ?
Soyons clairs : tant que les actes du quotidien des personnes en situation de handicap s’apparenteront à de véritables parcours du combattant, c’est que nous aurons échoué à bâtir la société inclusive que nous invoquons tous, régulièrement, sur ces bancs….
Or, ce projet de loi de ratification n’est pas à la hauteur des espoirs et attentes. Si cette ordonnance a le mérite de mettre en place les outils définissant la feuille de route à suivre pour aboutir à l’accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie, elle demeure décevante à plus d’un égard.
Tout d’abord, concernant les transports. Les évolutions relatives aux élèves en situation de handicap vont dans le bon sens. Mais, il n’est pas raisonnable de limiter l’accessibilité des transports aux seuls points prioritaires, cela été l’objet de nombreuses discussions dans cet hémicycle. Pour aller à l’école, suivre une formation, faire du sport, assister à un spectacle, travailler… il faut au préalable se déplacer.
L’accessibilité des transports est donc le prérequis pour mener à bien ses projets, pour vivre sa vie. D’ailleurs, c’est justement parce qu’on ne veut plus que se déplacer soit synonyme de parcours du combattant que nous avons souhaité que des Ad’AP et des SDA soient mis en place… Mais limiter à l’accessibilité de points jugés « prioritaires » par rapport à d’autres entre en contradiction avec cette accessibilité universelle …. qui nécessite d’ailleurs une réflexion globale en termes de continuité de la chaîne de déplacement.
Pendant la concertation, l’accessibilité des points prioritaires était considérée comme le point de départ d’un processus plus long qui menait à terme à l’accessibilité de tout le parcours. Des mesures de substitution sur les autres points étaient prévues pour accompagner le processus en attendant. Elles n’avaient pas vocation à être pérennisées, sauf à titre exceptionnel. Or elles sont dans ce texte généralisées. C’est un grave recul par rapport à la loi de 2005..Et, rappelons-le, rendre accessible l’ensemble de la chaîne de déplacement est un préalable à l’autonomie des personnes en situation de handicap.
Autres points de déception : les délais supplémentaires pour le dépôt des Ad’AP et SDA qui donnent l’impression de sans cesse remettre à plus tard cette accessibilité ; les dérogations sans justifications pour les copropriétés et la possibilité pour un ERP de prendre en charge les travaux ne change pas ce problème; ou encore la multiplication des dérogations accordées de facto du fait de l’impossibilité pour l’administration de traiter dans le temps toutes les demandes, notamment pour les ERP de 5ème catégorie, soit quand même près de 80% des établissements recevant du public…
Au regard de ces reculs – dont la liste que je viens de dresser n’est malheureusement pas exhaustive – l’indignation, la déception et le désarroi des personnes en situation de handicap et des associations qui les représentent se comprennent aisément.
Car s’il faut savoir être réaliste et pragmatique pour permettre que les travaux d’accessibilité soient menés, encore faut-il que les points d’équilibre trouvés entre les différents acteurs ne se traduisent pas en une accessibilité au rabais. Or, la façon dont cette ordonnance décline les grands principes sur lesquels il y avait eu un accord lors des concertations ne témoigne pas de la volonté politique indispensable pour que les choses bougent réellement.
Les différents amendements que ma collègue Véronique Massonneau et moi-même avions déposés auraient pu nous permettre d’aboutir à un texte bien plus acceptable. Ce n’est pas le choix qui a été retenu par le gouvernement.
En l’état, et malgré les avancées nécessaires comme les Ad’Ap, les SDA ou celles concernant la formation, nous ne pouvons malheureusement pas voter ce texte.
Je vous remercie
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