Protéger les jeunes de la publicité

La publicité commerciale ayant d'importantes conséquences sur les jeunes tant, par exemple, sur leur santé physique et psychique que sur leur réussite scolaire,  la proposition de loi visant à supprimer la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique a été débattue et adoptée jeudi 14 janvier à l’initiative des députés écologistes. Particulièrement mobilisée sur ces questions, Barbara Pompili est intervenue en séance publique pour mettre en avant le bien fondé de cette loi.

 

Intégralité des débats sur cette proposition de loi à regarder en cliquant ici et débats à lire en cliquant ici.

Intervention de Barbara Pompili :

Monsieur le Président, Madame la Ministre, Madame la Rapporteure, Chers collègues,

Comme vous venez de le dire madame la Rapporteure, la jeunesse a été érigée comme priorité du quinquennat et nous avons ici l’opportunité de montrer, une fois encore, que cette priorité se traduit en actes. Car interdire la publicité commerciale dans et autour des programmes dédiés aux moins de 12 ans, c’est avant tout protéger cette jeunesse.

Les conséquences de la publicité sur la santé physique et psychique des enfants sont indéniables.

Les troubles liés à l’alimentation en sont un premier exemple. La publicité pour les produits alimentaires concerne en effet essentiellement des produits connus pour être trop gras, salés ou sucrés. On le sait, les habitudes de grignotage s’installent très vite… première étape vers la mal-bouffe, l’obésité, voire la boulimie. Il y a en outre un facteur d’inégalité sociale qu’il convient de souligner car ceux qui regardent le plus la télévision et qui sont plus sujet à l’obésité sont issus des milieux défavorisés.

Alors, certes, le but des annonceurs n’est pas de renforcer les risques d’obésité ou de boulimie mais il est vrai que les enfants constituent une cible de choix car ils sont particulièrement perméables à leurs messages. Cibler les jeunes, c’est fidéliser une clientèle dès le plus jeune âge. Cibler les jeunes, c’est s’adresser aux prescripteurs familiaux dans les achats réalisés. Le facteur caprice - théorisé par les publicitaires dans les années 80 - en est l’illustration extrême. Or, lorsque les parents cèdent à ce caprice, les enfants se retrouvent dans une situation d’angoisse, confrontés à une toute-puissance sans fondement qu’ils ne savent pas gérer.

En outre, les moins de 12 ans sont d’autant plus perméables aux messages diffusés qu’ils ne sont pas en capacité d’identifier ce qui relève de la publicité, de l’information ou de la fiction : ils prennent au premier degré le monde tel qui leur est proposé. Et cette confusion est aggravée par l’apparition des personnages de dessins animés dans les publicités. Ce manque de discernement est également problématique compte tenu des valeurs promues à travers les publicités : individualisme, compétition, stéréotypes de genre…

Enfin, autre effet notoire dont il faut mesurer la gravité : l’attention morcelée induite qui peut générer des troubles de l’attention avec les conséquences que l’on connaît sur la scolarité.

C’est pourquoi protéger les enfants de moins de 12 ans des effets psychiques et physiques de la publicité relève d’un impératif et, par là même, des missions de service public confiée à France télévisions. C’était le sens de la proposition de loi débattue et adoptée au Sénat grâce à un soutien transpartisan et à l’excellent travail de mes collègues André Gattolin et Corinne Bouchoux. C’est le sens cette proposition de loi dans sa version initiale, celle présentée en commission fin décembre pour les écologistes par Michèle Bonneton. Et c’est donc le sens des amendements que nous vous proposerons d’adopter.

Soutenue par 71% de l’opinion publique, cette réforme a une utilité publique que nul ne peut remettre en question, en conscience.

Le prétendu argument économique selon lequel cette interdiction nuirait aux entreprises françaises ne tient pas. Cela a été dit : ces publicités font avant tout la promotion de produits de marques appartenant à des multinationales… et non réalisés par l’artisanat français. Quant à l’argument sur les conséquences pour le financement de France télévisions, il faut là aussi être très clair. Les pertes pour le groupe sont estimées entre 7 et 20 millions ce qui d’ailleurs représente peu au regard du budget total de France télévisions, du montant de la CAP (contribution à l’audiovisuel public)ou encore de la part de la taxe Copé fléchée pour l’audiovisuel public.

Mais surtout, la protection des moins de 12 ans relevant - me semble-t-il - des missions de service public de France télévisions il serait paradoxal et même grave de ne pas lui en donner les moyens !

Ce qui m’amène à l’autre enjeu de taille auquel il convient – ENFIN - de s’atteler : la question du financement de l’audiovisuel public qui revient inlassablement chaque année.

OUI, il est grand temps de donner réellement et définitivement à l’audiovisuel public les capacités financières de travailler dans de bonnes conditions et ce de façon pérenne. Outre la question de la ré-internalisation d’une partie de la production et du financement par la création, des pistes existent : augmenter la part de la taxe Copé fléchée au financement de l’audiovisuel public ; faire évoluer la contribution à l’audiovisuel public vers une « contribution forfaitaire universelle » ; ou réintroduire en soirée la publicité,… sans revenir pour autant à une « invasion » sans limite et sans éthique ! Des rapports très sérieux existent déjà à ce propos, je pense notamment à celui remis récemment par André Gattolin et Jean-Pierre Leleux.

Le temps est donc aux décisions et non à la transformation de cette proposition de loi en énième rapport sur le financement de l’audiovisuel public. Renvoyer aux calendes grecques cette réforme, alors que personne n’en conteste le bien fondé - et que de toute façon la question du financement de France télévisions doit être tranchée - n’est pas raisonnable.

Pour conclure, permettez-moi d’espérer que la protection des moins de 12 ans des effets physiques et psychiques de la publicité commerciale sera bien l’enjeu qui animera nos votes lors des discussions sur les amendements de cette proposition de loi.

Equipe de Barbara Pompili

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