
Dans le contexte actuel d'un processus de désignation à la présidence de France Télévisions décrié comme opaque et peu démocratique, la commission des affaires culturelles a souhaité auditionner Olivier Schrameck, Président du CSA. L'occasion de revenir sur le besoin de mettre en place une procédure plus transparente qu'il s'agisse des critères de sélection, de la publicité des candidatures et des projets stratégiques ou encore du processus collégial.
Intégralité de l'audition à voir en cliquant ici
Intervention de Barbara Pompili :
Monsieur Schrameck,
Certaines circonstances de cette nomination méritent très clairement des éclaircissements. On a parlé d’opacité, de procédure anti-démocratique, de jeu d’influence…. Voilà ce que l’on entend et qui entache cette procédure de désignation. J’y reviendrai.
Mais, mes chers collègues, si on voulait être un peu taquins, on pourrait dire qu'avoir vent d'irrégularités ou de dysfonctionnements dans le processus de nomination d'un président de France télévisions,… c'est déjà presque un progrès en soi. Il est certain que la nomination de Remy Pfimlin n’a pas pu donner lieu aux mêmes critique, « le fait du prince » coupant court à tout appel à candidature et à toute transparence.
Or, si tous les atermoiements qui ont conduit à la nomination de la nouvelle présidente sont si abondamment commentés, c'est justement parce qu'ils ont fait l'objet d'une délibération collégiale. Est-elle suffisante pour garantir que cette décision s'est faite en dehors de toute pression, sans jeu d’influence, sans aucune irrégularité ? Non, et c’est regrettable.
Mais le fait même que nous ayons aujourd'hui la possibilité d'en débattre relève bel et bien d'une avancée. Faut-il aller plus loin ? Très certainement.
Tout d’abord, le fait que les candidatures soient restées secrètes est plus que discutable.
Je sais qu'il est beaucoup question de CV anonymes mais les noms des candidats à des fonctions aussi éminentes que la présidence de France télévisions méritent d'être rendus publics tout comme la vision stratégique qu’ils proposent pour l’audiovisuel public.
Car il s’agit de permettre aux français de se faire une idée de ce qui est véritablement essentiel dans l’acte de candidature : et c’est bel et bien le projet défendu par chacun sur lequel les candidats doivent être appréciés. D’où la nécessité de rendre public chaque projet stratégique – a minima sous une forme condensée - après la clôture des déclarations de candidature.
Il serait probablement démagogique de dire que les français, parce qu'ils payent une redevance, sont en quelque sorte les "petits actionnaires" de France télévisions. Bien sûr, il ne s’agit pas de faire de la nomination du président de France télévisions un télé-crochet avec vote par SMS. Mais cette désignation du patron de l'audiovisuel public mérite mieux qu'une désignation secrète dans le huis clos d'un conseil qui, au gré des critiques, apparaît trop souvent comme un petit conclave.
Cette désignation intéresse aussi nombre de téléspectateurs et à l’heure où l’on prône le dialogue social, il ne me semblerait pas illégitime d’y associer des représentants des salariés du groupe par exemple. On pourrait aussi envisager l’audition des candidats préselectionnés par les commissions des affaires culturelles de l’Assemblée et du Sénat.
Toujours est-il que, a minima, la transparence des dossiers de candidature - et notamment des projets stratégiques - est impérative. Cela ne suffira peut-être pas à mettre fin aux contestations qui peuvent avoir lieu après la nomination d'un président mais cela permettrait de rendre ce processus un peu moins contestable, y compris si cette transparence sur les dossiers va de pair avec leur anonymisation.
La question des critères retenus pour mener à bien les présélections et les auditions doit aussi être posée. La transparence sur les critères de compétence et d’expérience est le prérequis garantissait un jugement sur le fond et non un choix dicté par des jeux d’influence.
L’existence d’une grille de critères préalablement définis et rendue publique aurait évité la polémique autour du mode de scrutin retenu pour opérer cette désignation. Et cela aurait aussi permis de mieux comprendre le rejet préalable à toute audition de certaines candidatures dont les parcours semblaient plus que légitimes. Des noms ont été cités comme Marie-Christine Saragosse, Emmanuel Hoog, Serge Cimino pour ne citer que ces quelques exemples.
Autre point qui doit être soulevé : la publicité des auditions. Certes le Conseil Constitutionnel a mis en garde sur les effets d’une publication intégrale des auditions et débats pour la vie privée des personnes concernées et pour la liberté de parole des uns et des autres. Mais je regrette cette décision car cet avis du Conseil Constitutionnel est, semble-t-il, utilisé de façon abusive.
D’ailleurs, loin de justifier le secret qui a plané sur les candidatures et les projets, si on y regarde de plus près cette décision ne semble pas contradictoire avec la retranscription d’une partie – et d’une partie seulement - des auditions.
Récemment, La Chaîne Parlementaire a décidé de retransmettre en direct les auditons des candidats pour sa présidence et je n’ai pas l’impression que cela ait porté préjudice aux candidats ou aux membres du comité de sélection dont je faisais partie.
Sans aller jusque là, proposer sur le site institutionnel du groupe une retransmission en direct et en replay d’une partie des auditions, celle où le projet est présenté, me semblerait être une piste tout à fait intéressante pour garantir transparence et procédure démocratique.
Monsieur Schrameck, j’entends que vous renvoyez le législateur à ses responsabilités quant à la définition précise des modes de désignation. On peut étudier cette question même si je ne sais pas dans tout ça ce qui relève du législatif et du réglementaire
Mais il me semble que dans cette attente et pour les prochaines nominations, le CSA doit tirer les enseignements des écueils rencontrés et les quelques propositions évoquées ici peuvent y aider.
Je vous remercie
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