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Barbara Pompili : « Le gouvernement ne peut élaborer seul le plan de relance »
Co-fondatrice du mouvement « En commun ! », la députée (LREM) de la Somme qui préside la Commission développement durable plaide pour un véritable débat sur la sortie de crise.
Suite à la crise sanitaire et au confinement, le moment présent vous semble-t-il favorable à l’écologie ?
C’est plus qu’une période charnière, un moment clé pour les questions écologiques et aussi sociales. Cette crise a permis à une partie de la population de prendre conscience qu’on ne peut pas échapper à ce qui se passe ailleurs, et que ce que nous faisons nous-mêmes est important. Elle a mis en évidence la nécessité de repenser les modes de fonctionnement politiques, à l’échelle locale, européenne ou internationale, et montré les limites de la société de consommation. L’organisation de l’économie mondiale, qui nous a conduits à déléguer à d’autres la fabrication de biens indispensables (ou-delà des médicaments ou des masques très médiatisés), n’est pas durable. La relocalisation de ces activités est d’ailleurs inscrite dans les plans de relance.
Ces observations vous rendent-elles optimiste pour la suite ?
Malheureusement, on voit bien que, sortis de ces considérations générales, nous avons beaucoup de mal à changer nos habitudes individuelles. Il n’y a qu’à voir l’état de saleté des espace publics comme l’esplanade des Invalides ou les queues devant certaines enseignes de prêt-à-porter ou de fast-food. On peut craindre un retour à la normale. Tout l’enjeu est de réussir à tirer les conséquences de cette crise.
Il y a eu une prolifération de plateformes destinées à imaginer le monde d’après, comme « Le jour d’après » à laquelle j’ai participé. Ces initiatives ont favorisé le brassage d’idées, elles ont fait se rencontrer des gens qui n’en avaient pas l’habitude et ont attiré des personnes jusqu’alors peu intéressées par ces problématiques. Mais elles se sont limitées à de grandes orientations générales, sans réellement se pencher sur le chemin pour y arriver.
Que faire pour capitaliser de façon efficace sur ces premières réflexions ?
Il faut répondre à la question du « comment ? » Comment atteindre le point d’arrivée en partant d’une situation de crise ? Pour l’instant, le chemin est tracé au coup par coup, secteur par secteur, par le gouvernement qui s’efforce d’obtenir des contreparties. Mais c’est au Parlement de vérifier la réalité des contreparties aux aides publiques. C’est pourquoi le bureau de la Commission au développement durable, avec la Commission des finances et celle des Affaires économiques, a lancé une mission d’information à cet effet, d’abord sectorielle mais bientôt étendue à des mesures générales telles que le crédit impôt recherche (CIR).
Comment analysez-vous les premiers plans de relance pour les secteurs aérien et automobile ?
Monter au créneau en priorité sur ces secteurs-là est assez significatif. Bien sûr, il fallait les aider, mais quid du ferroviaire ? Du fret ? Des petites lignes ? Quant aux contreparties, encore faut-il définir les bonnes…On pousse par exemple l’utilisation les biocarburants dans l’aviation, mais s’ils sont fabriqués à partir d’huile de palme…
Surtout, l’approche sectorielle a ses limites. Si l’on accepte l’idée que certains secteurs tels que l’aérien vont devoir réduire leur activité, comment faire pour promouvoir d’autres secteurs ? C’est une question qui doit s’étudier à l’échelle de chaque territoire.
En commun !, l’association que vous avez lancée avec le député Hugues Renson (LREM), demande que le sujet soit porté par l’Assemblée nationale. Pourquoi ?
Cela ne peut pas être le gouvernement seul, et au coup par coup, qui élabore le plan de relance. L’exercice doit au contraire rassembler tout le monde. C’est pourquoi nous avons demandé au Président (de l’Assemblée nationale) Ferrand que cette délibération démocratique soit organisée par l’Assemblée nationale, qui a perdu beaucoup de plumes ces derniers temps et s’est peu à peu réduite à une chambre d’enregistrement. C’est l’occasion de la remettre au centre du jeu, pour co-construire ce plan de relance.
Parmi les 15 nouvelles propositions formulées par « Le Pacte du pouvoir de vivre » pendant la crise, l’organisation d’une grande Conférence de la transformation, qui rassemblerait tous les acteurs et aurait pour objectif de définir les priorités et le chemin pour les atteindre, est particulièrement intéressante. Elle n’a pourtant pas rencontré beaucoup d’écho.
Ne serait-ce pas une redite du Grenelle de l’Environnement ou des Conférences environnementales organisées sous le mandat de François Hollande ?
Ces Conférences ont eu le mérite d’exister mais on n’en est plus là. Aujourd’hui il faut déterminer sur quoi nous voulons « mettre le paquet » et co-construire la relance avec les syndicats, partenaires sociaux, élus, collectivités…Cela aura beaucoup plus de valeur que des consultations séparées telles qu’elles sont menées en ce moment. Au-delà du groupe de la majorité, nous souhaitons intéresser les autres groupes parlementaires. L’Assemblée nationale est en capacité de porter les fruits de ces réflexions communes auprès du gouvernement.
Vous insistez sur la nécessité de réfléchir à l’échelle des territoires, pourquoi ?
« Penser global, agir local », n’a jamais eu autant de sens. La volonté politique peut manquer, mais les territoires ont beaucoup de possibilités d’agir. Encore faut-il bien coordonner ces différentes possibilités. Le national doit donner le cadre. Pour la transition énergétique par exemple, un objectif national a été défini, qui doit être décliné dans chaque région selon ses ressources. Mais ce n’est pas ce qui se passe partout, comme en témoigne la situation de l’éolien dans les Hauts-de-France, où les schémas directeurs antérieurs de l’ex. région Picardie ont été attaqués et rejetés, sans que les outils de planification soient mis en œuvre.
Où en est l’initiative transpartisane sur la biodiversité que vous aviez lancée en juin 2019, un an avant la date initialement prévue du Congrès mondial de la nature à Marseille ?
« Parlementaires engagés pour la nature », que j’avais initié avec Frédérique Tuffnell, a pour objectif de mobiliser les parlementaires et les territoires autour des grands enjeux de biodiversité pour la France et le monde, en amont du congrès de l’UICN prévu à Marseille en juin 2020 (reporté à janvier 2021) et de la COP Biodiversité qui devait se tenir en Chine en octobre 2020. Comparée au climat, la prise de conscience sur ce sujet est très en retard. Le lancement de l’initiative, sous l’égide du président de l’Assemblée nationale, a associé les présidents de toutes les autres commissions pour qu'ils étudient en quoi cela concernait leurs compétences, qu’il s’agisse d’éducation, de défense, d’affaires économiques ou d’affaires sociales et de santé. Tous ont joué le jeu et compris que la biodiversité concernait tous ces domaines. Plusieurs petits-déjeuners mensuels ont été organisés, avec l’objectif d’organiser un événement dédié aux parlementaires pendant le Congrès, pour échanger avec nos homologues et souligner l’importance des Parlements, qui doivent absolument reprendre leur rôle.
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