
Quelles sont les priorités de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale?
On travaille à deux niveaux : le législatif et le contrôle. On suit l’actualité législative, on peut l’anticiper, voire la susciter. Mais on est lié aux politiques publiques mises en place. Concernant l’évaluation et le contrôle, il s’agit d’évaluer l’application des lois. On ne peut être législateur et se désintéresser de ce qui arrive après. Trois missions ont été engagées: économie bleue, loi Savary sur la sécurité des transports et loi Biodiversité. Deux rapports ont déjà été rendus.
Qu’attendez-vous réellement de ces rapports?
Il s’agit, bien sûr, de voir si les décrets d’application sont sortis et de faire le point sur les améliorations éventuelles à apporter au texte. Le problème, c’est que ces rapports, qui sont produits depuis longtemps, servent souvent de cale-meuble. Ce que l’on veut mettre en place dans le cadre de la réforme de l’Assemblée nationale, c’est de les remettre officiellement aux ministres concernés, lors d’audition de la commission. Les ministres pourront ainsi prendre en charge les problèmes mis en lumière par les rapports.
La commission mène aussi des missions d’information.
Absolument. Nous travaillons actuellement sur les ressources en eau: état de la ressource, de sa gestion, les acteurs. Nous étudions aussi les effets de la deuxième décentralisation. Ou comment faire en sorte que des territoires puissent créer leur mode de développement indépendamment du métropolitain? La décentralisation donne le sentiment d’avoir recréé la métropole et le désert français. Nous ne voulons pas en rester là. Aussi, la mission travaille sur la création de modèles de développement sur-mesure, spécifiques à chaque territoire. Le rapport devrait être publié à la fin du printemps.
Nous menons aussi un large travail sur les produits phytopharmaceutiques. Transversale, cette mission s’intéressera aussi bien au modèle agricole qu’aux problèmes de santé (professionnelle et publique) ou aux questions de développement durable.
Nous rédigeons également un rapport sur les conséquences à tirer du passage des ouragans sur les Antilles: comment faire face aux aléas climatiques sévères, aussi bien en Outre-mer qu’en métropole. Ces événements ont des conséquences partout: gestion de trait de côte, inondations, sécheresse, incendies.
En plus de tout cela, nous avons de très gros enjeux devant nous, avec l’arrivée de la loi Mobilité et de sa loi de programmation, des suites du rapport Spinetta. Nous allons aussi nous saisir du projet de loi sur l‘alimentation. Nous suivrons activement les prochaines Assises de l’eau et de l’aérien.
Le 8 février, vous avez initié une commission d’enquête sur le nucléaire. Quel est son objectif?
Au départ, la question que nous nous posions portait sur la sûreté: le système français (EDF, ASN, IRSN[1]) est-il bien structuré pour préparer un éventuel passage aux 40 ans? Nous allons donc nous intéresser au bon fonctionnement des institutions, à leurs moyens, mais aussi au niveau de sûreté des installations, à la mise en œuvre des mesures post-Fukushima, au Grand carénage, aux malfaçons du Creusot, etc.
Tout cela relève de la sûreté nucléaire…
Tout à fait. Mais il devient de plus en plus difficile de traiter de la sûreté sans s’interroger sur la sécurité. Nous faisons évidemment la part des choses. Mais les citoyens veulent être tranquillisés sur le fait qu’une installation nucléaire ne les mette pas en danger, quel que que soit le problème: terrorisme, cybermenace, drones, personnels internes ou sous-traitants, transports, gestion des déchets.
Vous vous aventurez sur les chemins de la politique énergétique, au moment où le gouvernement élabore sa programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE)…
On va toucher, c’est vrai, à des aspects qui dépassent les compétences de la commission, à des aspects de politique énergétique. En principe, la PPE relève du réglementaire et les parlementaires n’ont rien à y faire. Mais nous avons eu des assurances du gouvernement que nous y serions associés. D’autre part, les citoyens -et donc leurs représentants- ont leur mot à dire sur la politique énergétique. Je n’ai pas apprécié les déclarations d’EDF disant qu’elle ne fermerait pas de réacteur avant 2029. C’est un pied de nez aux institutions démocratiques de notre pays. C’est au peuple et à ses représentants de décider de la politique énergétique, pas aux opérateurs.
La PPE doit être rédigée d’ici l’été. Comment espérez-vous l’influencer?
PPE ou pas, cette commission d’enquête aurait été mise en place de toute façon. Evidemment, le calendrier est important. Si aucune conclusion notable n’en sort, tant mieux. En revanche, si l’on note une évolution sur les coûts d’investissement, par exemple, cela peut intéresser les rédacteurs de la PPE. D’où notre volonté de rendre nos conclusions avant l’été.
L’Autorité de sûreté plaide pour récupérer les compétences de sécurité nucléaire. Y êtes-vous favorable?
A titre personnel, je pense que ce serait intéressant, car les questions sont de plus en plus imbriquées. Encore une fois, je ne vois pas comment parler des questions de sûreté sans aborder les questions de sécurité. L’intérêt de ASN, c’est d’être une autorité indépendante qui fait et dit les choses. Ce qui n’est pas toujours le cas quand on est affilié au pouvoir politique. Cela ne se fera pas facilement, mais c’est une direction à explorer, comme l’ont fait d’autres pays nucléarisés.
Le prochain rapport du Giec devrait indiquer que les politiques publiques sont insuffisantes pour stabiliser le réchauffement à 1,5°C. Partagez-vous ce sentiment ?
En tant qu’écologiste, je dirai toujours que les choses ne vont pas assez vite. Mais force est de constater que l’on avance à pas de géants sur certains sujets: loi Hydrocarbures, énergies renouvelables…
L’un des points noirs reste les transports. Ce qui va sortir concernant la mobilité, c’est essentiel. Il faut réussir à faire en sorte que les Français aient moins recours à leur voiture pour les petits trajets: 58% des gens qui travaillent à moins d’un kilomètre de chez eux y vont en voiture.
Où en est, aujourd’hui, l’écologie politique?
Je ne veux plus qu’on puisse dire que l’écologie politique est le petit parti qui survit à l’extrême gauche de l’échiquier politique. L’écologie est partout. Il y a beaucoup plus d’écologistes hors de parti que dans ce parti.
Comme il y a eu un peuple de gauche, il y a le peuple de l’écologie?
Il y a toujours eu une nébuleuse écologiste: dans des partis, des ONG, de petits mouvements locaux. Cela continue. Le pic de l’expression politique de l’écologie a été observé lors de la création d’Europe Ecologie-les Verts (EELV), qui rassemblait les parties de cette nébuleuse. C’est ce que l’on aurait dû maintenir. Mais on s’est confronté à l’exercice du pouvoir, terrible pour l’écologie politique. Il y a eu césure entre ceux qui sont dans les instances pour faire évoluer les choses et les mentalités et ceux qui considèrent que c’est tout ou rien, que l’on ne peut accéder au pouvoir que si l’on met tout en place. C’est une utopie totale!
Etes-vous favorable, comme certains de vos amis, à la création d’un pôle écologiste au sein de la majorité parlementaire?
Nous devons sortir de la culture du groupuscule qui n’a pas marché. Je refuse de retomber dans une mini-formation. Dans la nouvelle génération de députés, beaucoup viennent de la société civile et, question écologie, sont très en avance sur le monde politique. Ce sont, objectivement, des écologistes qui ont fait des choses que je n’aurais pas osé espérer. Comme la mission sur les alternatives au glyphosate. Si on refait un petit groupe écolo, j’ai peur que ceux qui intègrent l’écologie dans leur démarche globale aient l’impression que l’on fait bande à part. Ce que je ne veux pas. Il faut que l’écologie infuse.
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