
Mardi 12 janvier, Barbara Pompili est intervenue lors du débat était organisé à l'Assemblée nationale sur la mixité sociale dans l’Education nationale.
Notre système éducatif est élitiste et aggrave les inégalités : c’est en France que les performances scolaires sont le plus liées aux origines sociales. Or, on sait que la ségrégation sociale est un obstacle pour la réussite de tous et menace le «vivre ensemble » dont on parle tant et nos valeurs républicaines.
Il donc plus que temps d'agir concrètement pour que les choses changent. Cela passe, bien sûr, par un travail sur la carte scolaire. Mais si la mixité sociale doit être au cœur des politiques de sectorisation, les pays qui ont le plus réduit la ségrégation scolaire sont ceux qui ont gommé les hiérarchisations et concurrences entre les établissements (amélioration du climat scolaire, travail sur la pédagogie – favorisant par exemple les pédagogies différenciées et l’innovation –, homogénéisation de l’offre de formation...). Et, bien sûr, la question des moyens humains et financiers est là aussi incontournable : il s'agit d'affecter réellement plus de moyens aux élèves qui ont les besoins plus importants.
De nombreuses pistes existent pour améliorer cette situation. Il faut désormais s’en saisir car l’école de la République doit être inclusive et incarner un espoir pour chacun quels que soient son origine sociale, son lieu d’habitation ou ses difficultés.
Rapport du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques relatif à la mixité sociale à lire en cliquant ici
Intégralité des débats à lire en cliquant ici
Intervention de Barbara Pompili
Madame la Présidente, Madame la Ministre, Chers collègues,
Notre système éducatif est élitiste et aggrave les inégalités. C’est en France que les performances scolaires sont le plus liées aux origines sociales. Et le constat sévère dressé par le comité d’évaluation et de contrôle (CEC) et leurs rapporteurs Yves Durand et Rudy Salles est partagé par de nombreux travaux récents à ce propos …. je pense notamment à ceux du CESE, du CNESCO ou au rapport de Jean-Paul Delahaye pour ne citer que ces quelques exemples… Ce constat est affligeant et ne surprend malheureusement pas :
- ségrégation sociale, scolaire et résidentielle se renforcent mutuellement … au point que nos établissements scolaires sont plus ségrégués que la moyenne de l’OCDE.
- 10 % de nos établissements sont même assimilés à des « ghettos scolaires »….
- Les élèves défavorisés sont surreprésentés dans les établissements déjà socialement défavorisés …. et cette tendance augmente sous l’effet des stratégies d’évitement qui alimentent une concurrence déloyale entre les établissements, renforcée pour partie par les phénomènes de labellisation.
- Or, l’effet « établissement ségrégué » renforce les inégalités d’apprentissage et équivaut pour les élèves défavorisés à 2 ou 3 années de retard scolaire.
Comment accepter qu’une partie de notre population soit tenue à l’écart et condamnée à une scolarité écourtée, incomplète… conduisant trop souvent au décrochage scolaire ? On sait que la ségrégation sociale est un obstacle pour la réussite de tous … et menace le « vivre ensemble » dont on parle tant et nos valeurs républicaines.
La lutte contre les inégalités est une priorité qui doit mobiliser l’ensemble de nos politiques publiques. Il en va de notre capacité à construire une société où chacun dispose des mêmes droits et des mêmes chances de réussite. Il en va de notre Pacte Républicain. C’est pourquoi il est urgent d’agir pour que la démocratisation de la réussite soit enfin une réalité.
La plupart des mesures prises depuis 2012 portent cette ambition : la restauration de la formation des enseignants, la priorité au primaire, la scolarisation des enfants dès 2 ans, le dispositif plus de maîtres que de classe…. Mais au vu de la situation, il est nécessaire évidemment d’aller plus loin en mettant en œuvre nombre de recommandations des différents rapports sur ces enjeux, dont bien sûr celui-ci.
Je pense par exemple à la fermeture des établissements ghettos, à la révision de la sectorisation, et au travail à mener sur les critères d’affectation ou les indicateurs.
Certaines pistes et expérimentations proposées dans le rapport ne demandent d’ailleurs qu’à être approfondies. A ce propos, si plus d’attention devrait être accordée au respect des cycles dans les diverses pistes avancées, je soutiens pleinement la démarche de concertation avec l’ensemble des acteurs sur laquelle les récentes annonces relatives aux secteurs multi-collèges s’appuient. Ouvrir davantage l’école, y compris aux familles, ne peut que contribuer à la réussite des politiques menées et, surtout, à celle des élèves.
Il conviendrait aussi de mieux regarder les initiatives déjà menées et qui réussissent comme celle du collège Rimbaud à Amiens. Là, une refonte de la sectorisation en cohérence avec le réseau de transport cumulé au travail des équipes sur la pédagogie et le climat scolaire ont permis une meilleure mixité sociale et une progression des résultats de l’ensemble des élèves.
Car si la mixité sociale doit être au cœur des politiques de sectorisation… n’oublions pas que les pays qui ont le plus réduit la ségrégation scolaire sont ceux qui ont gommé les hiérarchisations et concurrences entre les établissements.
Il faut donc - dans le même temps - rendre plus attractif les établissements via notamment : une amélioration du climat scolaire, un travail sur la pédagogie – favorisant par exemple les pédagogies différenciées et l’innovation – ou encore via une homogénéisation de l’offre de formation.
C’est d’ailleurs là un des objectifs de la réforme du collège qui s’est attelée à proposer une offre éducative de qualité quel que soit l’établissement concerné pour mettre fin à la ségrégation scolaire. D’où mon étonnement quant à la proposition 16 de ce rapport.
Autre enjeu essentiel qui mériterait plus d’attention si l’on veut que les choses changent : la formation des enseignants. Volontaires, ces derniers se sentent parfois démunis sur le terrain. Il est urgent de leur donner, à travers leur formation initiale et continue, les clés et outils pour une école réellement inclusive.
Et, bien sûr, la question des moyens est incontournable, et le rapport du CEC fait ici des propositions intéressantes. Mais, entendons-nous bien, il ne s’agit pas de soutenir financièrement la création de nouveaux établissements privés dans des quartiers défavorisés, facteur supplémentaire bien connu de déstabilisation et de renforcement de la ségrégation…. Car le fil conducteur du renforcement et du redéploiement des moyens financiers et humains doit être l’amélioration de la mixité – et même des mixités-, facteur de réussite pour toutes et tous ! Cela suppose de mettre fin à la « ségrégation budgétaire » dont parle le rapport en affectant réellement plus de moyens aux élèves qui ont les besoins plus importants.
Cela suppose aussi de mieux valoriser encore dans la carrière des enseignants les années passées en REP+, de constituer des équipes stables, ou encore de repenser le système des affectations.
Des pistes existent. Il faut désormais s’en saisir… car l’école de la République doit être inclusive et incarner un espoir pour chacun … quels que soient son origine sociale, son lieu d’habitation ou ses difficultés.
Je vous remercie.
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