
Le projet de loi renseignement, qui fait tant débat depuis quelques semaines, vient d’être adopté par 438 voix contre 86. Mais 42 député-e-s ont choisi comme moi de s’abstenir.
J’ai reçu de très nombreuses interpellations de nos concitoyens relayant, comme vous, leurs légitimes inquiétudes sur un projet de loi qui touche à nos libertés, à notre conception de ce qu'est la démocratie, à notre vision du monde et de son évolution.
Face à un texte d’une telle technicité et dont les implications sont difficiles à mesurer concrètement, j’ai souhaité écouter les arguments des uns et des autres avant de décider de mon vote.
Tout en ayant conscience des problèmes posés par ce texte, il me semblait difficile de voter contre car cela serait revenu à laisser la situation actuelle perdurer. Celle-ci n’est pas appropriée à notre société. La loi qui régit nos services de renseignements date en effet de 1991, époque où Internet et les téléphones portables ne concernaient qu'une infime minorité de la population, ce qui n'est plus le cas... Les techniques ont évolué. Internet et les portables jouent désormais un rôle central dans de nombreuses affaires, y compris en matière de terrorisme. En tant que parlementaire, il est de notre devoir de légiférer pour combler ce vide juridique.
Je préfère donc un texte qui encadre – même imparfaitement - les techniques de renseignement plutôt que laisser la situation existante telle quelle : aujourd’hui, l’absence d'encadrement ouvre en effet la porte à tous les excès et crée une insécurité juridique pour des procédures judiciaires ultérieures. D’où la nécessité d’encadrer les pratiques actuelles.
Légiférer sur le renseignement est aussi nécessaire car nous avons besoin de services de renseignement efficaces. Si cette loi était en préparation bien avant janvier 2015, il est indéniable que les événements dramatiques qui ont endeuillé notre démocratie nous rappellent le rôle essentiel qu’ils doivent jouer pour notre protection, sans bien sûr céder à la peur. Face à cet impérieux besoin d’avoir des services de renseignements efficaces et œuvrant dans un cadre clairement défini, j’aurais d’ailleurs voulu pouvoir voter ce texte.
Mais certaines inquiétudes et questions me semblent suffisamment préoccupantes pour ne pas donner un blanc-seing à cette loi. Je pense notamment à la nécessité d'améliorer le contrôle des nouveaux dispositifs utilisés et autorisés dans la loi, comme les IMSI catcher et les algorithmes. Autre exemple, la question du rôle à donner dans ce contrôle au juge judiciaire me semble pertinente. Des éclaircissements sur les finalités du renseignement ou sur la réalité des possibilités de recours mériteraient également d'être apportés.
En l’état, ce texte n’est pas parfait. Il faudra que des évolutions positives interviennent lors de la suite des débats pour répondre aux différents risques et inquiétudes qui ont été exprimés et pour renforcer les garde-fous. Je serai vigilante et mon vote final sur le texte évoluera en fonction des réponses apportées.
En attendant je me suis abstenue, solution insatisfaisante, mais qui donne à ce texte la possibilité d’évoluer pour, je l’espère, mieux assurer la sécurité de notre société sans empiéter sur nos libertés publiques.
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